je l'aimais contre toute
raison
d'un amour insurmontable
aussi profond que le fond des océans
aussi vaste que le bleu d'un ciel de printemps
mon amour pour lui
remplissait mes jours de désespoir
je l'attendais, je l'espérais chaque soir
et je savais qu'il ne viendrait jamais
mais j'attendais sans regrets
son image remplissait mes nuits et mes rêves éveillés
son sourire ou son nez froncé
ses yeux pétillants de malice
ses phrases à l'emporte pièce
et ses quatrains pleins de promesses
que le temps ne tiendrait jamais
je lui disais "je t'aime" en écrivant "bonjour"
je voulais croire que c'était possible 
et je craignais que cela ne soit impossible
je me disais que "peut-être.. un jour..."
et je pleurais mon impossible amour

je voulais ses bras autour de moi
sa bouche sur la mienne
son coeur contre mon corps
et ses idées dans les miennes
et je savais que cela ne viendrait jamais
je continuais à vivre
dans un tourbillon de non-dits
de paroles assassines et de sourires forcés
je me battais contre moi-même
et contre lui
je dérivais dans une vie incertaine
j'imaginais ma vie avec lui et je vivais ma vie
avec moi-même...
seule, des rêves plein la tête
en espérant un toujours inaccessible
un incertain peut-être
un demain impossible
tandis que les larmes coulaient
dessinant sur mon visage les cicatrices de mon bonheur!

si l'amour n'est que déchirure,
alors j'aimais...

(1972-1973)